Quelques idées retenues du meeting de la CISEM sur les solidarités du 3 octobre 2017
Je suis allée comme d’autres membres de l’Apardap au meeting sur les solidarités de la CISEM hier soir. Un représentant du collectif de la vallée de la Roya, un représentant des sans papiers de Paris et une responsable de la coordination régionale des sans papiers y ont pris la parole sous forme de témoignages très documentés et poignants.
La personne de la Roya a décrit le climat et la dangerosité de la “chasse au migrant” dans cette vallée (inimaginable !) ; la chasse aux bénévoles et à leur collectif est tout aussi saisissante (une cinquantaine de policiers en permanence autour de la ferme qui les accueille et les nourrit) ; des menaces sur les citoyens solidaires : les condamnations de bénévoles que l’on sait, mais aussi des menaces sérieuses sur le collectif solidaire de la vallée : plainte portée par eux contre un “torchon fasciste local” mettant en cause une bénévole de leur association présentée comme ayant comme objectif de “s’envoyer en l’air avec des noirs”. Le collectif a été non seulement débouté mais condamné à payer les frais de justice élevés occasionnés par cette plainte. Le collectif est aussi convoqué au tribunal le 13 octobre ; les activistes de droite et d’extrême droite soutenus par des élus locaux, cherchent par tous les moyens à obtenir la dissolution du collectif au nom sans doute du “délit de solidarité” dans sa version qui devient extensible à l’infini.
Pour les migrants, les atteintes aux droits les plus élémentaires sont considérables dans la vallée de la Roya sans parler de ceux qu’ils subissent en Italie de l’autre côté avant de passer la frontière. Amnesty international est venu étudier sur place ce qui se passait entre la frontière et la vallée de la Roya ; en quelques jours, 40 infractions aux droits internationaux ont été relevées. Ce qui se passe là-bas est susceptible de se reproduire -si ce n’est déjà le cas- dans le Briançonnais qui devient selon l’intervenant le nouveau passage des flux migratoires de l’Italie vers la France avec les risques que l’on sait pour les migrants (voir les alertes lancées par les collectifs).
Le témoignage des “sans papiers” ne donnaient pas une meilleure image de la France dites des droits de l’homme et faisait prendre conscience des luttes qu’ils mènent en France mais aussi dans leurs déplacements en Afrique pour dénoncer la corruption, le pillage des richesses dans leurs pays d’origine… Lui aussi lançait un appel à solidarité des citoyens français ; la représentante de la coordination des “sans papier” a utilement rappelée que l’histoire a été faite de grands combats en faveur des sans papiers avec des réussites et des échecs.
Alors que faire ? Nos amis de la Roya ont fait part de leurs réflexions sur la nécessité de ne pas dissocier l’humanitaire indispensable de la lutte politique en disant qu’ils avaient pris conscience un peu tardivement de ce lien nécessaire au vue notamment des votes des citoyens dans plusieurs villages de la vallée avec entre 50 % et 75 % de vote FN aux législatives. Parallèlement, le harcèlement policier et judiciaire dont ils sont victimes a des conséquences sur le moral des bénévoles et freine l’engagement dans la durée. La condamnation par le tribunal lundi dernier d’un jeune bénévole de 19 ans, à une lourde amende avec sursis pour avoir aidé des migrants est un pas de plus franchit. Il a fortement insisté sur les enseignements qu’ils tiraient de leur expérience : sur les limites de luttes locales même très médiatisées comma la leur ; sur l’urgence d’en sortir ensemble et de façon coordonnée pour être plus fort et donc sur la nécessité d’organiser la coordination des initiatives existantes au plan régional, inter régional, national si l’on voulait ne pas être battus par ce qu’il appelle le “rouleau compresseur d’une politique inhumaine” en direction des migrants et de plus en plus liberticides pour ceux qui les accompagnent.
Plusieurs idées ont émergées du débat : créer du lien y compris par internet entre tous ceux, associations, collectifs citoyens, élus et collectivités engagés pour faire connaître ce qui se fait, ce qui se dit, et se doter d’un site internet pour ces échanges à tous les niveaux. Dans le même esprit : au plan local, régional et inter régional : se rassembler dans des actions pour les droits des migrants, pour faire respecter la liberté d’initiative et d’expression des associations, collectifs, et leur liberté d’agir pour un accueil digne et humain ; Combattre cette notion pernicieuse de “délits solidaires” dont l’usage, y compris par les tribunaux a pour but de décourager les citoyens d’agir et d’être solidaires.
L’idée d’un rassemblement inter-régional Paca, Rhône Alpes Auvergne à Briançon a été évoquée, de même qu’une initiative partout le même jour au plan national avec la question lancinante de chercher à rassembler le plus largement possible. Nécessité aussi de se rapprocher de toutes les grosses associations régionales et nationales comme La Cimade, Médecins du monde, Amnesty international, la Ligue des droits de l’homme… y compris pour que les actions prennent de l’ampleur et soient convergentes. Enfin, nécessité de s’adresser à une opinion large et sortir de l’entre soi.
Sortir de l’entre soi et élargir notre influence : certains participants ont fait observer que dans la salle les gens inconnus des uns et des autres étaient rares, que si des migrants étaient là, les jeunes étaient peu représentés, la moyenne d’âge élevée… A cet égard une jeune participante a insisté sur la nécessité de montrer autour de nous la réalité de ceux des migrants qui vivent à proximité, d’expliquer quelle est leur vie, ce qu’ils subissent au plan administratif, comment leurs droits fondamentaux sont bafoués. Ce qui suppose que l’on trouve les moyens de toucher largement la population partout où nous sommes avec les bons arguments et l’expression des droits à respecter et à appliquer. Il a été rappelé par un intervenant que la libre circulation des hommes étaient inscrits dans des textes fondamentaux signés par la France et qu’il convenait de le dire et de le rappeler. Parmi les éclairages à donner, ceux qui concernent la situation des divers pays que les hommes et les femmes fuient qu’il s’agisse des guerres, des pillages de richesses, de la corruption, des atteintes aux libertés… cet éclairage permet aussi de combattre les distinctions faites entre les demandeurs d’asile et les autres migrants.
Monique Vuaillat – APARDAP – 04/10/2017