Le jeune René est arrivé de Kinshasa en France en juillet 2013, à l’âge de 16 ans, avec la complicité d’un passeur qui lui fait miroiter une belle carrière dans le basket (il fait déjà 2m), passage que sa mère a du chèrement financer. Il parlait déjà couramment le français.
Abandonné sur un quai de gare à Grenoble par le passeur, il réussit à trouver très vite les services d’aide et surtout à intégrer un lycée en 2° générale (alors qu’on lui demandait de se contenter d’un CAP).
Dès 2014, la préfecture conteste sa minorité.
Pendant ce temps, il réalise une scolarité exemplaire, 1ère puis Terminale STII (services informatiques). En mars de son année de Terminale, il reçoit une OQTF : majeur, sans enfant, ne venant pas d’un pays « en guerre », pourquoi aurait-il un projet en France ?
Des adultes, impressionné par sa ténacité l’ont alors aidé. Une avocate a contesté la décision de la Préfecture. Malgré cette épée de Damoclès, il réussit son Bac et obtient une promesse d’embauche pour un BTS en alternance chez Orange !!
En août 2016, le Tribunal Administratif casse la décision de la Préfecture, il peut donc commencer son BTS, mais la Préfecture s’acharne : elle fait appel et la Cour d’Appel du TA de Lyon lui donnera raison en mars 2017. Mais René est alors salarié d’Orange ; ce n’est peut-être pas la peine d’engager un bras de fer avec cette grande entreprise.
La Préfecture attendra donc août 2018 pour lui signifier une nouvelle OQTF.
Entre-temps, René avait réussi brillamment son BTS, et pour poursuivre en licence en alternance, il avait reçu une proposition d’embauche du…. Conseil Départemental de Savoie.
Il n’a donc pas pu signer ce contrat, mais est resté inscrit à l’IUT et a commencé sa licence.
L’argument de cette seconde OQTF, que l’on découvrira en demandant au Défenseur des Droits d’intervenir est qu’il aurait fourni de faux papiers en 2014. Ce qui avait déjà été contesté et fin décembre 2018, le TA confirme la validité des documents.
Entre temps, nous relisons le rapport sur l’intelligence artificielle rendu par Cédric Villani qui met en évidence la nécessité de garder les étudiants étrangers compétents dans ces domaines en tension et nous décidons d’écrire au député.
12 février 2019, le TA enjoint à la Préfecture de donner à René un titre de séjour.
Le 25 mars, la préfecture lui attribue un titre de séjour pour 6 mois seulement (lui permettant de finir sa licence) – alors que l’attendu du tribunal spécifiait bien qu’il occupe des emplois en tension (développeur Web).
Dès la fin juin, sa licence en poche, Cap Gemini lui propose un Master en alternance.
Le temps de rédiger le contrat, commence le dernier round : obtenir un RV (sur Internet le dimanche entre minuit et minuit et demi !) pour le renouvellement du titre de séjour.
La Préfecture n’avait pas fait appel du dernier jugement, elle a répondu favorablement à une demande d’un député pour faire avancer le RV afin que René puisse commencer en temps voulu, elle le considère maintenant comme un étudiant étranger (c’est d’ailleurs le service décentralisé du Campus qui l’a – très bien – accompagné dans les dernières démarches).
Ses débuts à Cap Gemini se passent bien, et tous les espoirs de progression sont permis.
Nos conclusions :
1) la volonté de « faire du chiffre » amène la Préfecture à ne même pas étudier l’intérêt d’un dossier, elle ne veut pas voir que des migrants économiques peuvent être une chance pour la France, René est Noir, sans enfant, « qu’il rentre chez lui où il pourra faire les mêmes études » dixit une employée de la préfecture. Quelle méconnaissance de la RDC !!!!
2) Quand la France ne voulait pas de lui, des universités (EU pour le basket), Laval à Montréal s’intéressait à son profil. Comment la France ne peut-elle comprendre qu’il est de son intérêt de garder des gens compétents ?
3) Il envisageait de demander sa naturalisation, d’autres exemples montrent que c’est un vrai parcours du combattant ; l’intégration des étrangers est un vrai débat.
Christiane Le Deun
Responsable de la Maison des accueilli.e.s