Dès les premières pages, elle est silencieusement présente ; c’est son petit-fils, Robert Badinter, qui parle d’elle et c’est à travers les souvenirs et l’amour de Robert que nous la découvrons.
Idiss vivait dans un village de Bessarabie avant de quitter son pays pour aller rejoindre à Paris ses deux fils qui avaient fui avant elle l’antisémitisme violent qui sévissait dans ce pays dans les premières années du XXème siècle.
A Paris, elle connut quelques années de paix avec son mari et ses enfants. Sa fille Charlotte, la mère de Robert, fait une scolarité brillante. L’obtention du certificat d’études donne lieu à une grande fête : c’est le premier diplôme français obtenu par la famille, quelle fierté ! Charlotte épouse Simon en juin 1923 et c’est pour Idiss un grand bonheur. Claude et Robert naîtront de cette union. Le commerce de fourrure est prospère et l’ascension sociale rapide. Toute la famille vénère la République française. Idiss, immensément fière de ses deux petits-fils, très bons élèves, les écoute le soir réciter des poésies françaises qu’elle comprend à peine.
Cette paix retrouvée ne dure pas très longtemps : l’antisémitisme fait rage en France dans l’entre-deux guerres. Puis c’est la guerre, le nazisme triomphant, l’occupation. Idiss voit les soldats allemands passer sous ses fenêtres. On vit dans l’angoisse d’une arrestation.
Il faut partir pour la zone libre. Charlotte est déchirée entre l’amour de sa mère qui ne peut pas quitter Paris (Idiss, atteinte d’un cancer, est près de sa fin) et son devoir de sauver ses fils. Ses proches doivent la forcer à partir.
Aux deux enfants venus lui dire « au revoir », Idiss sourit. Ils ne se reverront pas.
Et Robert Badinter conclut sobrement : « C’était le temps du malheur ».
Qu’ajouter au tragique des faits ?
Ce récit, d’une simplicité absolue, est étonnamment beau.
Janine Chêne